Mieux qu’un roman policier, l’assassinat de notre ancêtre par sa seconde épouse, Renée Vendômois, n’est pas sans rebondissements !
Cette affaire est tirée de la Revue historique et archéologique du Maine de 1892. Je vous propose le récit tel qu'il est écrit dans ce
document.
Jean de Saint-Berthevin épouse Renée de Vendômois
Jeanne de Tucé mourut dès 1474 ; elle fut inhumée à Souday, dans la chapelle de Notre-Dame-de-Pitié.
Son mari avait beaucoup de piété et de religion, remarque un brave curé de la paroisse, mais par malheur pour lui, il ne put garder la
continence et crut qu’il valait mieux convoler en secondes noces que de brûler.
En cela, il ne faisait que suivre le conseil de l’apôtre. (…)
Il y avait alors à la Tibonnelière, nous dit le même curé de Souday, une dame nommée Renée de Vendômois, jeune et belle veuve
de feu Perceval de Halley. Notre Jean en fut épris et, sans considérer de trop près son mauvais génie, il l’épousa vers 1478.
Je ne sais comment le seigneur de Souday eût pu considérer de près son mauvais génie, mais je crois qu’il aurait dû examiner
attentivement le danger que court un homme qui a passé la quarantaine se mettant en tête de prendre en mariage une demoiselle de seize ans.
Il n’est pas nécessaire dans ce cas d’être grand clerc pour prévoir de funestes conséquences.
Jean de Saint-Berthevin, je l’admets, avait beaucoup de piété et de religion ; en revanche, il possédait une dose de sagesse et de
clairvoyance tout à fait insuffisante. (…)
La noblesse de Renée de Vendômois, son jeune âge et sa beauté, avait donc déterminé le mariage de Jean de Saint-Berthevin.
Le seigneur de Souday installa sa femme à la Cour, bien résolu de garder précieusement son trésor. (…)
En installant son épouse au logis seigneural, Jean de Saint-Berthevin lui montra avec orgueil les bagues, les joyaux et toutes
les richesses qu’il mettait à sa disposition. Renée fut enchantée ; elle remarqua surtout un miroir d’or garni de dix-sept perles avec
quatre balais ou saphirs et de magnifiques colliers d’or enrichis d’ornements et de perles précieuses.
Un instant, elle se crut heureuse et, dans un moment d’abandon, elle jura peut-être à son mari qu’il ne lui restait rien à désirer.
La jeune femme mit au monde deux enfants dont l’un mourut bientôt.
Et les jours s’écoulaient lentement au manoir de la Cour. Pendant que Jean de Saint-Berthevin suivait ses meutes à travers les bois,
Renée restait rêveuse au milieu de ses bijoux, avec son tout jeune fils François, né en janvier 1481, et les deux enfants de Jeanne de Tucé,
Guillaume et Catherine.
L’ adultère et la vengeance de Saint-Berthevin
La Chronique de Souday veut bien nous apprendre que Jean de Saint-Berthevin était un homme fort réglé, vivant en son château occupé
au bon ordre de sa maison, se faisant un plaisir de bien recevoir chez lui toute la noblesse du pays et regardant comme ses meilleurs
amis ceux qui le venaient souvent visiter.
Il faisait encore preuve d’une certaine naïveté. (…)
Un des plus assidus auprès de Jean de Saint-Berthevin était un écuyer nommé Guillaume du Plessis. (…)
Cet homme, jeune, beau, bien fait, alerte et fort gracieux, se prétendait cousin de Renée de Vendômois et, en cette qualité, faisait
de nombreux voyages à la Cour de Souday.
Alors le brave Saint-Berthevin serrait vigoureusement la main de Guillaume ; il n’était content que lorsqu’il voyait le cheval du
cousin à l’écurie devant un râtelier bien garni, la table chargée de victuailles et les grands hanaps remplis de liqueurs généreuses.
Besoin n’était d’encourager la châtelaine. Depuis longtemps déjà, elle se sentait mordue au cœur.
Pour elle, Guillaume du Plessis était le gentilhomme accompli, beau de corps, éveillé d’esprit, bien-appris en tous les exercices
de chevalerie, loyal, courtois et joyeux. Son mari, au contraire, formait ombre dans le tableau, probablement parce que les années
exerçaient leurs ravages habituels et accomplissaient impitoyablement leur œuvre destructrice sur sa personne.
Hélas ! Guillaume du Plessis, bien que gentilhomme de nom et d’armes, n’était qu’un paillard sans vergogne ; il entraîna Renée vers
l’abîme et la chute de celle-ci fut complète.
Jean de Saint-Berthevin mit un certain temps à ouvrir les yeux, mais enfin il les ouvrit. Les assiduités de son ami lui apparurent
sous un nouveau jour et il s’en plaignit amèrement.
Renée prétendit que les soupçons de son mari étaient injustes.
Le seigneur de Souday fut peut-être ébranlé par les protestations énergiques de sa femme, car, sans aucun doute, elle nia avec la
dernière énergie, prenant à témoins de son innocence tous les saints du ciel.
Comment eût-elle pu apporter le déshonneur dans la maison de celui qui l’avait comblée d’affection et de biens !
Comment pouvait-on lui supposer assez de lâcheté pour fouler aux pieds ses devoirs maternels !
La malheureuse n’en persévérait pas moins dans son inquité ; elle en arriva bientôt à subir sans résistance toutes les volontés de
son séducteur et fut subjuguée à ce point qu’elle déroba à son mari des sommes d’argent considérables destinées à payer les bonnes grâces
de Guillaume.
Jean de Saint-Berthevin était un gentilhomme pratique et rien moins que dissipateur. Sans aucun doute, il aimait sa femme, mais son
affection pour elle n’allait pas jusqu’à lui faire oublier ses intérêts matériels. La disparition de ses beaux écus d’or, serrés avec
soin dans un solide bahut muni d’une bonne serrure, lui parut un mystère facilement explicable. (…)
Il va sans dire que le caractère du seigneur de Souday s’était un tant soit peu aigri depuis qu’il entrevoyait son malheur.
Les vols dont il était victime mirent le comble à son exaspération ; cependant, il fut assez maître de lui-même pour ne pas se laisser de
prime abord emporter par la colère. (…)
A partir de ce moment, un profond trouble régna dans le ménage. Saint-Berthevin menait « très dure vie » à sa femme ;
celle-ci, de temps à autre, faisait prier Guillaume du Plessis de restituer l’argent qu’elle lui avait donné, afin d’éviter de perpétuelles
récriminations. (…)
Meurtre de Jean de Saint-Berthevin
La haine de Renée de Vendômois pour Jean de Saint-Berthevin croissait en raison des rigueurs dont elle était l’objet et prenait
des proportions extraordinaires. Humiliée, battue, elle rêvait une vengeance qui lui donnerait la liberté d’épouser Guillaume du Plessis.
- Mon doux ami, disait-elle ou écrivait-elle à son amant, je maudis l’heure où j’ai vu pour la première fois celui à qui j’ai lié ma vie.
C’est un grossier soudard qui m’écrase chaque jour de sa brutalité. Mieux vaut la mort que ma triste existence !
Vous qui m’aimez, saurez-vous rompre ma chaîne. Guillaume, vous êtes fort, vous êtes vaillant ; trouvez un prétexte pour provoquer
Saint-Berthevin. Il vous sera facile de le tuer car c’est un lâche, un lâche qui fustige une femme sans défense et qui tremble devant
un homme résolu. Par pitié pour moi, tuez-le ou faites-le tuer, et nous nous aimerons sans contrainte.
Guillaume du Plessis n’avait que faire d’être excité outre mesure pour arriver aux dernières extrémités.
Sa passion brutale, gênée par la surveillance d’un mari, lui était un aiguillon plus que suffisant.
Le poison mêlé avec l’hypocras n’avait pu avoir raison du seigneur de Souday. On chercha un autre moyen.
Un ancien serviteur de Guillaume du Plessis, répondant au nom de Grand-Jehan, parut avoir les qualités requises pour retrancher
Saint-Berthevin du nombre des vivants. C’était un gaillard solide craignant le diable non plus qu’un pichet de vin et prêt à tout faire
pour un écu. (…)
Quelques jours plus tard, Grand-Jehan vint à la Cour sous un « habit de coquin », c’est-à-dire vêtu en mendiant, couvert d’un mauvais
manteau et la besace sur l’épaule. Après avoir conféré avec Renée sous prétexte d’aumône, il se cacha dans une cave voisine guettant la
sortie de Saint-Berthevin.
Ce fut inutilement ; le maître du logis ne parut pas. (…)
Dans le temps de Noël 1483, Jean de Saint-Berthevin ne récitait certainement pas ses heures avec sa femme, mais il allait seul chaque
matin entendre la messe à Souday. En revenant du village, il passait par son moulin de Taillefer et quelquefois se rendait dans le bois de
Montjoli.
Un jour ou deux avant la fête, Saint-Berthevin avait commencé sa journée selon son habitude. Grand-Jehan, averti par Renée de Vendômois,
était également à l’église avec le maintien humilié qui convient à tout bon mendiant. Après la messe terminée, le seigneur de Souday reprit
le chemin de sa demeure sans autrement se soucier du pauvre hère qu’il avait entrevu pendant l’office. Celui-ci ne perdit pas sa trace ;
il le suivit et pressa le pas pour le rejoindre avant le moulin de Taillefer. (…)
Saint-Berthevin ne fut pas étonné de la rencontre ; il s’arrêta. La vue du pauvre loqueteux l’émut et il mit aussitôt la main à son
escarcelle pour en retirer quelque monnaie.
La charité est souvent mal récompensée ; cette fois elle fut fatale au seigneur de Souday.
Grand-Jehan rejeta rapidement son manteau sur son épaule et d’une main sûre armée d’un long couteau il frappa sa victime par le côté.
Celui-ci poussa un grand cri et tomba lourdement.
Renée de Vendômois était veuve.
Quand on releva le corps du malheureux baignant dans une flaque de sang, le meurtrier était déjà loin et jamais depuis ne put être
retrouvé. (…)
Le corps de Jean de Saint-Berthevin fut inhumé dans l’église de Souday, devant l’autel des « Innocents. (…)
La coupable assista aux obsèques de son mari en habit de veuve et sans l’ombre d’un remord. Bien plus, dès qu’elle fut rentrée
au manoir de la Cour, elle fit main basse sur l’or, l’argent, les joyaux et les bagues du défunt, au détriment des enfants du premier lit.
La passion avait accompli son œuvre ; le temps de la justice était venu.
Renée de Vendômois prisonnière à Mondoubleau
Le bruit du meurtre de Jean de Saint-Berthevin ne tarda pas à se répandre non seulement dans les environs de Souday, mais par toute la
province du Maine où il causa une émotion considérable.
Guillaume du Plessis fut effrayé ; la rumeur publique le désignait comme l’auteur du crime et le complice de Renée de Vendômois.
Il écrivit aussitôt une lettre à celle-ci pour lui recommander de bien veiller sur ses paroles et de ne laisser échapper aucun aveu en cas
d’interrogatoire.
Après cet avis, il se hâta de gagner Saint-Malo, qui était une ville de franchise, abandonnant lâchement la misérable veuve.
Par malheur pour Renée, un criminel ne pouvait jouir du privilège de l’immunité à Saint-Malo qu’autant qu’il faisait préalablement sa
confession par écrit sans celer le plus petit détail. Au cas où l’on constatait la moindre omission, il était aussitôt pendu haut et court,
sans autre forme de procès.
Guillaume du Plessis n’avait pas quitté son pays pour faire connaissance avec le gibet de « Sainct-Malo de l’Isle sur la mer ».
Il entendait éviter la corde. Il avoua donc tout, sa culpabilité, la complicité de Renée et les circonstances soit atténuantes soit
aggravantes du meurtre.
Marguerite de Saint-Berthevin et Ambroise de Mareuil, bails des enfants mineurs du défunt seigneur de Souday, ayant eu connaissance
de ces aveux, firent intervenir la justice. L’information conduite par les officiers de Mondoubleau amena l’arrestation de Renée de Vendômois.
(…)
Guillaume du Plessis avait appris la détention de Renée à Mondoubleau. Il lui adressa une nouvelle lettre « en jargon » pour l’engager
à ne rien confesser. C’était la dernière marque d’intérêt qu’il témoignait à la malheureuse femme. Ensuite, ne pensant plus qu’à lui-même,
il mit en œuvre les influences dont il pouvait disposer à la cour pour solliciter son absolution. (…)
Renée de Vendômois était bien oubliée. Non plus criminelle que Guillaume du Plessis, elle allait parcourir seule les étapes de
l’expiation.
Renée de Vendômois est condamnée à être traînée et brûlée
Après une année d'enquêtes, de procédures et d'autres actes accoutumés en justice, la cause de Renée de Vendômois vint au Parlement
de Paris sur la demande de Marguerite de Saint-Berthevin et d'Ambroise de Mareuil. Ce fut pour la veuve du seigneur de Souday un
changement de prison. Les chartres de la Conciergerie du palais valaient probablement celles de Mondoubleau.
Cependant, dans les premiers temps, elle y bénéficia de quelques circonstances particulières qui adoucirent son sort. (…)
La cour ordonna le 29 janvier 1485, que Renée serait logée dans la maison et sous la responsabilité de Jean Bachelier, huissier au
Parlement, à la condition d'y tenir bonne et loyale prison.
Les frais de procédure et de nourriture étaient, selon la coutume, supportés par l'accusée. Dès le 5 février 1485, la cour de Parlement
voulut qu'on prélevât à cet effet cent livres parisis sur ses biens.
Le 2 mai, Renée de Vendômois fut envoyée devant le Prévôt de Paris, après examen du procès fait par les officiers de Mondoubleau et
de Vibraye. (…)
Renée ne confessait pas facilement son crime. On résolut de prendre le moyen ordinaire pour le lui faire avouer.
La « question », d'une origine très ancienne, était certainement une des plus terribles institutions que l'esprit humain ait jamais
su trouver. « C'est une invention sûre, disait La Bruyère, pour perdre un innocent qui a la complexion faible et sauver un coupable qui est
né robuste ». Ceux qui la pouvaient supporter et ceux qui n'avaient pas assez de force pour la soutenir mentaient également.
Le saint roi Louis IX, l'homme au coeur droit, prit tous les moyens possibles pour atténuer l'horrible brutalité de cette coutume.
Il y avait deux sortes de questions, l’une définitive et l'autre nommée purgative et préparatoire. La manière d'appliquer la question
variait suivant les lieux et les usages. A Paris, elle se donnait généralement à l'eau ou aux brodequins.
La question de l'eau ordinaire avec extension se donnait sur un petit tréteau, au moyen de quatre coquemars (bouilloires) remplis
de liquide. Un homme tenait la tète de l'accusé, qui était solidement lié et à qui on avait mis une corne dans la bouche afin qu'elle
demeurât ouverte. Le questionnaire prenait le nez du malheureux prévenu et le lui serrait en le lâchant de temps en temps pour lui laisser
la liberté de la respiration. Il tenait le premier coquemar haut et en versait lentement le contenu dans la bouche du patient. Après le
quatrième coquemar, on passait souvent à la question extraordinaire sur le grand tréteau en ajoutant quatre nouveaux coquemars.
Aux brodequins, l'accusé était assis sur une sellette. On lui enfermait les jambes entre quatre planches de bois de chêne dépassant
le haut du genou, deux planches pour chaque jambe. Ces quatre planches étaient percées de quatre trous chacune, dans lesquels étaient
passées de longues cordes que le questionnaire serrait fortement. Ensuite, il enroulait les cordes autour des planches pour les maintenir
plus étroitement, et avec un maillet, il poussait à force sept coins de bois, l'un après l'autre, entre les planches à l'endroit
des genoux, et un huitième aux chevilles en dedans. (…)
En présence de juges doués d'une si prodigieuse insensibilité, (...), Renée ne pouvait espérer le plus petit adoucissement à la loi
commune. Ni sa jeunesse, ni sa beauté n'eurent la moindre action sur ces hommes de fer. Elle fut mise plusieurs fois à la torture,
probablement aux brodequins. Pendant que les coins de bois, frappés par le maillet du questionnaire, lui meurtrissaient les jambes et
faisaient craquer ses os au milieu de souffrances inouïes, un impassible greffier se tenait à son bureau, prêt à enregistrer des phrases
faites de cris de douleur et d'aveux. Enfin, la complice de Guillaume du Plessis sortit de cette épreuve , mais tellement « gehainnée » et
si inhumainement traitée qu'elle en resta infirme et impotente.
La dame de Souday ne voulut pas entendre la lecture de son procès par le lieutenant criminel, assisté des officiers du roi au Châtelet.
Elle en appela au Parlement et fut conduite de nouveau dans les cachots de la Conciergerie. La cour suprême soumit la prisonnière à la
visite des médecin, chirurgien et barbier jurés, afin de savoir si, dans l'application qui lui avait été faite de la question, on n'avait
pas dépassé les limites permises. Sur leur rapport, son appellation fut mise à néant et la malheureuse renvoyée au Châtelet devant ceux
qui l'avaient torturée.
Il ne fallait plus songer à éviter une sentence définitive. La veuve de Jean de Saint-Berthevin s'entendit condamner « à estre traynée
et arse au marché aux pourceaux » de Paris et à fonder un obit solennel pour le repos de l'âme de sa victime. L'arrêt portait aussi
confiscation de ses biens. Cette dernière clause n'eut probablement pas le don d'émouvoir outre mesure la misérable qui avait la claie
et le bûcher en perspective. Le roi et les juges pouvaient se partager ses inutiles richesses au détriment de son jeune fils, bien innocent
pourtant du crime de sa mère. (…)
Renée de Vendômois avait été condamnée à la réclusion le 20 mars 1486. Elle resta encore prisonnière au Petit-Châtelet de Paris pendant
environ six mois, temps nécessaire à l'exécution des différentes clauses de l'arrêt du Parlement et au recouvrement des bijoux
volés à la succession de Jean de Saint-Berthevin.
Le mardi 19 septembre, la dernière demeure de la dame de Souday était parachevée. Ce même jour les présidents du Parlement ordonnèrent
que Renée serait conduite publiquement au cimetière des Saints-Innocents par le greffier criminel et les huissiers de la cour
accompagnés des sergents à verge du Châtelet, afin d'être recluse et emmurée dans la chambre basse qu'on lui avait préparée.
Ce programme fut suivi de point en point. (…)
Quoi qu'il en soit, le matin du 20 septembre 1486, la foule, toujours avide d'émotions, assiégeait le cimetière des Innocents et aspirait,
sinon à la vie politique, du moins au spectacle assez rare de l'enterrement d'un vivant. Les commentaires marchaient leur train dans ces
milliers de bouches et chacun appréciait selon ses goûts, sa position, son tempérament, la conduite de Renée de Vendômois ainsi que la
pénitence qu'on lui imposait. (…)
Sur les onze heures, Renée apparut avec son escorte de greffiers, huissiers et sergents à verge. Elle prit place dans le cimetière,
devant l'église, où elle subit sa dernière humiliation, la lecture de l'arrêt du Parlement. Ensuite on la fit entrer dans sa cellule
« fermant à deux serrures ». Une des clefs fut remise aux marguilliers Jacques Le Moyne et Dominique de Moyencourt, l'autre fut portée
au greffe de la Cour.
Tout était fini. Le monde n'existait plus pour la recluse. Ses jeunes années qu'elle avait rêvées si joyeuses devaient s'écouler dans
la solitude égayées seulement par l'assistance aux offices, le chant des psaumes et les cérémonies funèbres, jusqu'à ce que la mort,
à qui on venait de la fiancer, vint la prendre pour la jeter, régénérée par la pénitence, entre les bras du Dieu de miséricorde. (…)
En guise d'épilogue !
Catherine de Saint-Berthevin, fille de Jean et de Jeanne de Tucé, avait épousé en 1488 l'écuyer manceau François de Mésange.
Elle mourut en 1504, après avoir demandé par testament la sépulture dans l'église des Saints-Innocents.
La douleur avait sanctifié Renée et Catherine voulait reposer auprès de sa belle-mère pour participer aux mérites de sa dure expiation.
Peut-être aussi doutait-elle de la culpabilité de la recluse et ne voyait-elle dans celle-ci qu'une des nombreuses victimes des erreurs
judiciaires.
Presque en même temps, Adrienne, fille de Guillaume du Plessis, se consacra à Dieu dans l'abbaye de Saint-Avit au Perche.
Le fils unique de Renée de Vendômois, François de Saint- Berthevin, ne vécût pas longtemps ; le sourire et l'amour d'une mère lui
avaient trop manqué durant ses jeunes années. A sa mort, arrivée en 1500, il y eut entre ses héritiers un grand procès au Parlement
de Paris. Le nom de Saint-Berthevin ne disparaissait que difficilement de la scène où l'avait placé le crime retentissant de Renée
de Vendômois et de Guillaume du Plessis.
A. LEDRU.